Lotfi Ben Slama

Services de stomatologie  et chirurgie maxillo-faciale de l’hôpital de la Salpêtrière et de l’hôpital américain de Paris, F-75116 Paris, France


Correspondance


Lotfi Ben Slama, 69 rue de la Tour, F-75116 Paris, France. lbenslama@noos.fr


Key points

Carcinoma  of the  lips



Epidermoid  carcinoma, that  is, squamous  cell carcinoma  of the skin, is the most common malignant  tumor of the lips
It occurs especially  in men
Its primary  causes  are  sun  exposure, smoking, and  chronic irritation
Leukoplakia  is the  most  frequent precancerous lesion. Epidermoid carcinoma  may appear clinically as a scaly erosion or an ulceration
Standard treatment is surgical excision with reconstruction



Points  essentiels


Les lèvres sont constituées  de toutes les parties molles qui forment la paroi antérieure de la cavité buccale. De nombreuses
 
tumeurs  malignes peuvent  occasionnellement  les affecter. La plus fréquente (plus de 90 % des cas), est le carcinome épidermoïde,  ou épithélioma  spinocellulaire, dont la localisa- tion est typiquement  labiale inférieure (plus de 95 % des cas), rarement  labiale supérieure. La précession d’une lésion épithé- liale  précancéreuse est  très  fréquente.   D’autres carcinomes sont rencontrés,  en particulier salivaires naissant  des glandes salivaires   accessoires   sous-muqueuses   et   basocellulaires, plutôt rares dans cette  localisation


Rappels anatomiques



Les lèvres  présentent 3  zones  : un  versant  cutané  pur,  le vermillon ou lèvre  rouge  (zone  de  Klein) entre  la zone  de contact des 2 lèvres et la peau, un versant muqueux pur qui se  réfléchit  sur  la  gencive  en  formant  le  vestibule  buccal
(figure 1)
La structure des lèvres comporte de dehors en dedans : la peau, épaisse et riche en follicules pileux et glandes sébacées,  le tissu cellulaire sous-cutané, absent dans la région médiane  et commissurale, le squelette musculaire ; une couche de glandes muqueuses salivaires labiales, et la muqueuse, très adhérente à la couche glandulaire
(figure 2)


Figure 1
Anatomie des  lèvres





Figure 2

Coupe sagittale de la lèvre  inférieure





La vascularisation  et  le réseau  lymphatique  sont  très  impor- tants. La sensibilité est assurée  par des branches du trijumeau (V), nerf sous-orbitaire pour la lèvre supérieure,  nerf menton- nier pour la lèvre inférieure, et la motricité est assurée par des branches  du facial
(VII)


Carcinomes épidermoïdes

Aspects  épidémiologiques


L’incidence exacte  des  carcinomes  de  la lèvre  est  difficile à évaluer  car ils font  l’objet d’une  approche  épidémiologique globale avec les cancers de la cavité buccale, du pharynx et du  larynx  (voies  aérodigestives   supérieures   [VADS])  et  les cancers de l’oesophage. Certaines caractéristiques sont en effet communes, parmi lesquelles le fait qu’ils soient souvent liés au tabagisme  et à la consommation  excessive d’alcool. Les der- niers  indicateurs  et  données  en  France [1] figurent  dans  le tableau  I.
Les 24 500 nouveaux  cas de cancers des VADS et de l’oeso- phage observés correspondent pour 63 % à la sphère « lèvres, cavité buccale, pharynx » (pour 17 % au larynx et pour 20 % à l’oesophage). Selon les enquêtes, la distribution précise par sous-localisation varie, elle n’est pas toujours disponible en France. En  1995,  sur un total  de  21 597  cancers  des  VADS (14 926 chez l’homme et 6 671 chez la femme),  410 localisa- tions labiales (code 140 dans la classification ICD-9, et C00 dans l’ICD-10) ont été  enregistrées (375 hommes  et 35 femmes) ayant  entraîné  104 décès  (92 hommes  et  12 femmes)  [2]. Dans  les  localisations  VADS,  le  cancer  des  lèvres  est  en
7e  position chez l’homme  et  en  9e  position chez la femme
par  ordre  de  fréquence.  Il  représente  6,6  %  des  cancers
buccaux en France (2 % seulement dans notre série à l’hôpital de la Salpêtrière) [3]
Ces chiffres sont  nettement inférieurs  à  ceux  rapportés  de manière  plus générale  chez les caucasiens (race blanche), où le  cancer  labial  représente 25  à  30  % de  tous  les  cancers buccaux [4,5].  Cette  variation  est  probablement due  à  une implication différente des principaux facteurs de risque : radia- tions ultraviolettes  (UV) et tabac
Le carcinome  épidermoïde  labial est  un cancer de  l’homme d’âge mûr. Le sex-ratio est de 10 à 20 :1. La femme est affectée dans 2 % à 2,8 % des cas ; 90 % des patients ont plus de 45 ans et 50 % ont 65 ans et plus [4]. Le carcinome de la lèvre rouge est beaucoup plus rare chez les ethnies à peau foncée dont les individus à peau  jaune



Facteurs  étiologiques

L’exposition chronique  au  soleil  (UV)  constitue  un  risque admis de  carcinome labial prédominant  chez les personnes à peau  claire ayant  vécu au grand air, exposées  au soleil et aux intempéries  (paysans,  marins)  ou vivant dans  des  lati- tudes  très  ensoleillées  (Australie,  Texas.. .).  Le rôle  carci- nogène  des  UV  B est  démontré  et  apparaît  prépondérant devant  les UV A  et C. Le risque augmente avec la durée  de l’exposition et l’âge, avec un effet seuil. C’est souvent sur des lésions de  chéilite actinique  que  le carcinome épidermoïde peut se développer. Son incidence n’est toutefois pas toujours corrélée  à l’exposition au soleil. Comme on l’a vu, d’autres facteurs  exogènes  interviennent  et  ont  une  action synergi- que, en particulier le tabagisme.  Le tabac qui peut être consommé   de  diverses  manières   (cigarette,   pipe,  chique etc.. .) peut  être  responsable  de  kératoses  ou leucoplasies



a Année 2000
b Année 2002
c Année 20002, hors séances  de chimiothérapie  et radiothérapie



où les dysplasies épithéliales sont fréquentes,  faisant le lit du carcinome épidermoïde  labial
Des carcinomes labiaux ont par ailleurs été  observés  chez les greffés d’organes (reins, coeur, foie) sous traitement immuno- suppresseur  dans des délais variant de 2 à 4 ans [6]. Chez les transplantés rénaux par exemple, il est prouvé que le risque est majoré  en  fonction  du  phototype   (clair),  d’une  exposition solaire élevée  et de la durée de l’immunosuppression induite. Le rôle cocarcinogène  du HPV (Human Papilloma  Virus), fréquemment trouvé dans les lésions de ces patients, demeure controversé.  Il l’est moins dans  le carcinome verruqueux  qui peut occasionnellement  se localiser aux lèvres avec une évolu- tion lente  vers la transformation  maligne
D’autres affections telles les lésions chroniques (radiodermites, brûlures) peuvent  faire le lit du cancer labial. Il faut également citer la maladie  de Bowen, l’érythroplasie de Queyrat et cer- taines génodermatoses tel le xeroderma  pigmentosum ou l’albinisme


Aspects  cliniques

La localisation typique du carcinome épidermoïde  labial est le tiers moyen de la lèvre inférieure. C’est également la localisa- tion privilégiée chez la femme  même  s’il existe un plus grand pourcentage de localisations labiales supérieures que chez l’homme
Cliniquement, il apparaît  d’emblée,  ou se développe  sur une lésion précancéreuse
Lésions précancéreuses


La leucoplasie est la plus fréquente dans notre expérience. Elle est le plus souvent d’origine tabagique  (leucoplasie en pastille de la lèvre inférieure des fumeurs de cigarette avec parfois une lésion similaire en  « décalque  » au niveau  labial supérieur) (figure  3).  Il  s’agit  de  placards  plissés  blanchâtres  plus  ou moins  épais  et  étendus   mais  superficiels.  L’aspect est  soit homogène  (hyper-, ortho-, et parakératosique avec un infiltrat inflammatoire     chronique),     soit    nodulaire     inhomogène
(speckled leucoplakia des anglosaxons) où des dysplasies épithéliales  sont  souvent  rencontrées  [7].  Toute fissuration, érosion ou végétation  apparaissant  sur une leucoplasie labiale fait craindre une transformation  maligne
Le carcinome épidermoïde  labial peut  aussi se développer  à partir d’une chéilite actinique [6]. C’est une hyperkératinisation réactionnelle  apparaissant  sur des lésions initialement  érythé- mateuses et squameuses à surface irrégulière non indurée. Des croûtes  se  forment,  et  leur arrachement provoque  de  petits saignements (figure 4). Des surinfections sont  possibles.  Les lésions de chéilite actinique doivent être surveillées régulière- ment  (au  moins  1 fois par  an).  Il  est  difficile d’y apprécier cliniquement  la transformation  maligne  et un contrôle histo- logique est souvent indispensable.  En présence  de dysplasies, l’exérèse  est  la règle,  souvent  en  recourant  à une  vermillo- nectomie. Il s’agit de l’ablation de l’ensemble de la lèvre rouge



Figure 3
Leucoplasie tabagique



Figure 4
Chéilite  actinique



Figure 5
Carcinome  épidermoïde labial  inférieur



pour examen  histologique de la totalité de la pièce. La répara- tion se fait par glissement de la muqueuse de la face interne de la lèvre inférieure. Il est à noter que la chéilite actinique peut être  associée  à d’autres  kératoses  actiniques  des  téguments exposés,  particulièrement  la face
Chéilite actinique  et  chéilite tabagique  peuvent  s’associer et augmenter le risque de carcinome
Enfin, le carcinome épidermoïde  labial peut se développer  sur d’autres lésions précancéreuses comme 
    l’e´ rythroplasie de Queyrat
(rarement  labiale pure) 
    les le´ sions liche´ niennes  chroniques 
    les le´ sions de lupus chronique 
    une che´ ilite glandulaire chronique, les cicatrices de bruˆ lures 
    les radiodermites 
    les ulce´ rations chroniques

Types de  description
Le carcinome épidermoïde  se présente le plus souvent  sous forme  d’une  érosion  chronique,  croûteuse,  ou comme  une ulcération à bords irréguliers, infiltrante, d’évolution lente (figure 5). L’aspect de tumeur  végétante ou bourgeonnante est plus rare. Un signe important  est l’induration de la lésion qui est perceptible  en périphérie,  plus ou moins étendue en profondeur, qui déborde toujours largement les limites visibles de  la  lésion.  En évoluant,  la tumeur  prend  une  forme  ul- cérovégétante. L’extension du côté buccal peut  atteindre  le sillon gingivolabial, la  gencive  et  l’os mandibulaire  ou  en dehors la commissure labiale et la joue avec dans ce dernier cas un pronostic beaucoup  plus sévère.  Des localisations la- biales multiples sont possibles. Des carcinomes épidermoïdes peuvent  être  présents  dans  d’autres  localisations, VADS  ou cutanées
Les métastases ganglionnaires sont habituellement tardives ; la fréquence des métastases lymphatiques primaires varie de 2 à
10 % lors de  la première  consultation  [8] ; elles sont  sous- mentales, sous-mandibulaires  et,  dans  les cas avancés,  pré- auriculaires et  jugulocarotidiennes.  Les carcinomes  très  bien différenciés métastasent dans moins de 10 % des cas alors que les carcinomes peu différenciés métastasent près d’1 fois sur 2. Les carcinomes labiaux supérieurs croissent plus vite et métas- tasent  plus rapidement que les carcinomes labiaux inférieurs, probablement parce  que  le drainage  lymphatique  labial su- périeur est plus riche. Métastases  mandibulaires et métastases multiples entraînant  des paralysies de nerfs crâniens ont aussi été  rapportées


Histopathologie


Le carcinome  épidermoïde  se  développe  sur une  muqueuse d’apparence  saine  ou atteinte d’une  précancérose  originelle que l’on peut  encore  parfois reconnaître  [9]. C’est une proli- fération épithéliale maligne développée aux dépens  des kéra- tinocytes. Selon le degré d’infiltration et de franchissement de la membrane basale,  on parle de carcinome in situ (ou intra- épithélial ou dysplasie sévère),  de carcinome micro-invasif ou de carcinome invasif

Dans le carcinome in situ, il existe une transformation segmen- taire de l’épithélium portant sur toute sa hauteur sans modifications de la membrane basale. L’épithélium est irrégu- lièrement  stratifié,  avec  des  noyaux  de  forme  et  de  taille inégales,  hyperchromatiques et des mitoses  visibles jusqu’en surface. Dans le carcinome micro-invasif l’aspect est  proche, mais on détecte  également quelques  brèches  dans  la basale avec effraction de cellules carcinomateuses  dans le chorion. Le carcinome  épidermoïde   invasif  est   fréquemment  constaté



d’emblée ou succède aux stades précédents. Il se distingue par la pénétration de lobules ou travées  carcinomateuses  en plein chorion ou déjà dans  les tissus adjacents.  Un infiltrat inflam- matoire  plus ou moins important  est présent  dans le stroma. Plusieurs types histologiques peuvent  être  distingués selon le degré de maturation  kératinocytaire  (carcinomes différenciés, peu  différenciés,  indifférenciés).  Le moins  différencié  est  le carcinome à cellules fusiformes.  Des cellules indépendantes, fusiformes,   ressemblant  aux  sarcomes   y  sont   observées. L’étude immunohistologique  permet  de trouver dans le cyto- plasme de quelques  cellules des filaments de cytokératine,  ce qui signe l’origine épidermoïde  de ces tumeurs
Le pronostic des carcinomes épidermoïdes infiltrants (« grading » histologique) est fonction de multiples facteurs : taille initiale de la tumeur  (T  de  la classification TNM),  présence  ou  non  de métastases ganglionnaires  homo- ou controlatérales,  type his- tologique (les formes moins différenciées étant en principe plus sévères),  l’existence d’un certain  degré  de  neurotropisme  et enfin la topographie. Les cancers de la lèvre, comparés à ceux des autres cancers des VADS, ont en principe un bon pronostic


Formes  cliniques particulières

Cancers du versant muqueux de  la lèvre  inférieure
Cette localisation est  fréquente dans  les populations  qui ont l’habitude de garder du tabac dans le vestibule buccal, surtout en Inde, au sud est asiatique mais aussi au Soudan [4]; le tabac est maintenu  dans le vestibule, soit avec de la chaux éteinte (« catachu ») soit avec une noix ou feuille de betel (« pan ») ou noix d’Arèque. Au Cambodge, le bétel chiqué est une habitude féminine, et ce type de cancer est le plus prépondérant chez la femme.  Enfin chez les patients  qui placent  du tabac  à priser dans le vestibule buccal inférieur, des leucoplasies typiques peu symptomatiques se développent, uniformes mais mal circonscrites (figure 6). C’est en particulier le cas aux Etats-Unis surtout   chez  les  femmes   (snuff  dipper’s  keratosis).   L’âge avancé  et  une  consommation  anormalement élevée  d’alcool sont des facteurs favorisant l’apparition du cancer
Le carcinome épidermoïde  adénoïde  kystique ou cylindrome, rare dans cette localisation, n’est qu’une variante du carcinome épidermoïde se développant à partir des glandes salivaires accessoires de la face interne  des lèvres
Cancers de  la commissure labiale



Ces tumeurs sont rares (4 % des cancers des lèvres). La lésion est une ulcération fissuraire à base indurée dont l’extension se produit  avec prédilection  vers la muqueuse  jugale et  non la peau ; elle siège dans certains cas uniquement sur la muqueuse rétrocommissurale,  affleurant la commissure proprement dite. Elle succède généralement à une leucoplasie le plus souvent d’origine tabagique (en Inde particulièrement,  du fait de fumer le « bidi », cigarette  à bon marché). La présence  chronique de Candida albicans  est  fréquente,  faisant  discuter la possibilité que la lésion soit, à l’origine, celle d’une candidose chronique




Figure 6
Leucoplasie de  la face  interne de  la lèvre  inférieure
(tabac chiqué)





Des formes verruqueuses de carcinome peuvent être observées aux commissures labiales. Il s’agit le plus souvent de transfor- mation  maligne  d’un carcinome verruqueux  d’Ackerman (ou papillomateuse orale floride) ou de l’évolution d’une PVL (Proliferative   verrucous  leucoplakia)   [7].  Dans  le  premier cas, il s’agit souvent  d’une lésion papillomateuse jugale plus ou moins verruqueuse qui s’étend en nappe et atteint la commissure  (figure 7). Différents stades  histologiques  (stade I, aspect de papillome avec gros bourgeons épithéliaux renflés à la base), stade  II avec apparition de petits bourgeons secon- daires sur les faces latérales des papilles et épaississement des couches cellulaires basales) rendent compte de l’évolution inexorable  de ces lésions vers un carcinome infiltrant (stade III). Les types 16 et 11 du HPV ont été détectés  dans ces lésions orales.  Le traitement est  chirurgical suivi d’une  surveillance rapprochée pour détecter les récidives, fréquentes. L’irradiation de  ces  lésions  n’est  pas  recommandée en  raison  du  risque d’évolution vers des  carcinomes  anaplasiques.  Des atteintes ganglionnaires ont été occasionnellement rapportées et les métastases sont rares
Dans la PVL,  la lésion  de  départ  peut  être  une  leucoplasie homogène  évoluant progressivement pour devenir inho- mogène  avec des  dysplasies,  puis éventuellement  nodulaire et/ou verruqueuse  avec transformation  maligne



Explorations


La découverte  d’un carcinome  épidermoïde  labial impose  la recherche,  chez les fumeurs,  d’une deuxième  localisation au niveau des VADS par un examen  complet de la cavité buccale, de l’oropharynx, du larynx et de l’hypopharynx : une panen- doscopie peut être proposée.  Une radiographie  pulmonaire et une échographie  hépatique complètent  ces explorations. Pour



Figure 7
Carcinome  verruqueux commissural gauche




Figure 8
Carcinome  basocellulaire de la lèvre  supérieure



les tumeurs  de grande  taille (> 2 cm), ou en présence  d’adé- nopathie,  on demande une  tomodensitométrie de  la région cervicale pour mieux juger de l’extension locorégionale




Traitement


Les carcinomes épidermoïdes  labiaux relèvent  de la chirurgie d’exérèse  avec plastie de reconstruction (techniques  de Dief- fenbach, Bernard, Abbé, Estlander, Gillies, McGregor, Ginestet, Meyer et Shapiro, Johansen, Fries, etc.)
[10]
L’aspect fonctionnel est un élément  primordial de toute recon- struction labiale
Les carcinomes  de  plus  de  2 cm  de  diamètre   associent  un évidement  ganglionnaire  cervical prophylactique,  éventuelle- ment combiné avec la radiothérapie  selon le nombre de gang- lions  atteints   et  la  présence   de  ruptures  capsulaires.  Pour certains,  un évidement  ganglionnaire  au moins sus-hyoïdien est indiqué d’emblée  pour toute  tumeur  supérieure  à 1 cm
La technique  d’exérèse  par  étapes   de  Mohs nécessite  une équipe  entraînée et demeure peu pratiquée  en France
La radiothérapie  directe  sur la lesion, et  particulièrement,  la
curiethérapie  est actuellement exceptionnelle
Le taux de survie à 5 ans est > 80 % pour tous les auteurs  et peut atteindre  96,7




Autres  carcinomes labiaux


Les tumeurs  malignes  des  glandes  salivaires accessoires  la- biales  sont  exceptionnelles,  comparées  à celles des  glandes salivaires principales ou accessoires dans d’autres localisations (palais). Les cylindromes (carcinomes adénoïdes  kystiques) et les tumeurs muco-épidermoïdes sont surtout localisés à la lèvre inférieure.  L’aspect est  celui d’un nodule  qui devient  ulcéré. Leur évolution est plus ou moins rapide et les métastases sont relativement  précoces
Le carcinome basocellulaire  est  le plus fréquent  des  cancers cutanés.  Il est exceptionnel  dans sa localisation sur le versant cutané labial, plutôt supérieur. Le développement de la tumeur est lent et sa malignité est purement locale. L’aspect typique est  celui d’une  ulcération  cutanée   entourée d’un  bourrelet perlé. Le type le plus fréquent  est l’épithélioma plan cicatriciel (figure 8). Les formes ulcéreuses ou infiltrantes sont possibles




Conflits d’intérêts : aucun




Références



[1]  Fédération nationale des observatoires régionaux de  la santé.  Le cancer dans  les régions de France. Collection«Les études du réseau des ORS» 2005

http://www.fnor- s.org/fnors/ors/travaux/synthesekcer.pdf.



[2]    Menegoz F,  Lesec’h JM,  Rame JP,  Reyt E, Bauvin  E, Arveux  P et al. Lip, oral cavity and pharynx cancers in France  : incidence, mortality and trends (period 1975–1995). Bull Cancer 2002;89:419-29.





[3]    Szpirglas H, Ben Slama L.  Pathologie de la muqueuse   buccale.  EMC.   Paris:   Elsevier;
1999. (pp. 141–170).




[4]    Piette   E.   Pathologie   des   lèvres.   Traité de  pathologies  buccale  et  maxillofaciale

Bruxelles: De Boeck Université; 1991

pp 865–911






[5]    Parkin DM, Whelan  SL,   Ferlay, Storm  H
Cancer incidence in five continents. Vol.  I to
VIII IARC  CancerBase No 7, Lyon 2005





[6]    Zitsch 3rd RP,  Park CW,  Renner GJ,  Rea JL

Outcome analysis for lip carcinoma. Otola- ryngol Head Neck Surg 1995;113:589-96






[7]    Ben Slama L.  Lésions précancéreuses  de la muqueuse buccale. Rev Stomatol Chir Max- illofac 2001;102:77-108






[8]    Zitsch 3rd  RP,  Lee BW,  Smith RB. Cervical lymph node metastases  and squamous cell carcinoma of the  lip. Head Neck 1999;21






[9]    Le Charpentier Y, Auriol   M. Histopathologie bucco-dentaire  et   maxillo-faciale. Paris: Masson; 1998
(pp. 94–96)




[10] Coppit GL, Lin DT,  Burkey BB. Current concepts  in  lip reconstruction. Curr Opin Otolaryngol   Head   Neck  Surg   2004;12

read more "Carcinomes des lèvres"




Gilles Poissonnet, Karen Benezery, Frédéric Peyrade, Alexandre Bozec, René-Jean Bensadoun, Pierre Yves Marcy, José Santini, Olivier Dassonville


Institut universitaire de la face et du cou de Nice et Centre Antoine-Lacassagne, Nice
(06)


Disponible sur internet  
le 23 avril 2007


Correspondance


Gilles Poissonnet,  Centre Antoine-lacassagne,  33 avenue  de Valombrose,
06189 Nice Cedex. Tél. : 04 92 03 14 38
Fax : 04 92 03 15 68
gilles.poissonnet@cal.nice.fnclcc.fr



Key points




Upper aerodigestive tract  carcinoma:

therapeutic management



Cancers of the upper aerodigestive tract cover the solid tumors of the oral cavity, pharynx and larynx
The  principal  risk  factors  identified   are  smoking and  alcohol. Moreover, the  combination of alcohol and  smoking increases the relative risk by more than simple multiplication
The pretreatment work-up  represents  the  starting  point in the natural history of the patient’s disease and conditions recovery and time course; it must be both specific and exhaustive. It leads to a TNM classification  or staging that is a major prognostic factor and essential to determination of the appropriate therapy
Patients with cancer of the upper aerodigestive tract must receive cooperative multidisciplinary treatment
Conservative  treatment strategies must be favored. Treatment is essentially surgical and radiological
Prognosis  for survival  is poor.  For all stages  and sites together


5-year survival remains between  30 and 40%


Points  essentiels



Les cancers  ORL  ou des  voies aérodigestives supérieures regrou- pent les tumeurs solides de la cavité buccale, du pharynx et du larynx. Les principaux facteurs de risques identifiés sont le tabac et l’alcool. De plus, l’association alcool-tabac “surmultiplie” le risque relatif.
Le bilan  préthérapeutique  représente  le  point  de  départ  dans l’histoire  de la maladie d’un  patient, il  va conditionner sa guérison ou son évolution, il se doit d’être précis et exhaustif. Il aboutit à une classification TNM qui est un facteur pronostique majeur et la clef de voûte des indications thérapeutiques.
La prise en charge  des patients atteints de cancers ORL doit faire l’objet d’une concertation thérapeutique pluridisciplinaire.
Les stratégies thérapeutiques conservatrices  doivent être privilé- giées. Le traitement est essentiellement radiochirurgical.
Le pronostic  de  survie  est  mauvais.  Pour tous stades et localisa- tions confondus, la survie reste  en  moyenne  entre  30 et  40 % à
5 ans



Situation actuelle et objectifs



Les  cancers  ORL   ou  des   voies  aérodigestives   supérieures (VADS)  regroupent  les tumeurs  solides de  la cavité  buccale, du pharynx et du larynx.
Ils sont fréquents en Europe et particulièrement en France où leur incidence annuelle,  la plus élevée  après la Hongrie, constitue le cinquième cancer le plus fréquent,  après les cancers du sein, du côlon et du rectum, de la prostate et du poumon. En France, cette incidence a été  estimée  en 2000 aux alentours  de 20 000 nou- veaux cas chez l’homme  (4e  rang  par ordre  de  fréquence)  et
3 000 nouveaux cas chez la femme  (14e  rang par ordre de fré-
quence). La mortalité chez l’homme, après un pic de fréquence à
39 pour 100 000 en 1976, a été  divisée par 2 à ce jour, soit un retour au taux de 1950. Chez la femme  si la mortalité est bien moindre, en revanche, elle a doublé depuis 1950, pour être à ce jour aux alentours  de 8 pour 100 000. La mortalité des carcino- mes des VADS est très inégale selon les régions françaises, dans les départements du Nord Pas-de-Calais, elle approche du double de celle des départements du Sud-Ouest 
[1]
En France, 90 % des décès par cancer des VADS chez l’homme sont  attribuables  au  tabac  et/ou à l’alcool [1]. Il  existe  une corrélation entre  l’âge du début  de l’exposition, la dose jour- nalière, la durée de l’exposition et le risque carcinologique. La mortalité par cancers des VADS est 7 fois plus élevée  chez les fumeurs de cigarettes que chez les non-fumeurs et reste 3 fois plus élevée  chez les ex-fumeurs que chez les non-fumeurs. Le rôle du cannabis comme carcinogène est établi [2], en particu- lier dans l’incidence des cancers de la langue  chez des sujets de moins de 40 ans. En ce qui concerne l’alcool, le risque est proportionnel à la dose d’alcool pur consommé,  sans effet de seuil. L’association  alcool-tabac “surmultiplie” le risque relatif de cancer des VADS : un sujet qui fume 25 cigarettes et boit 10 verres  de  vin (environ  100 g d’alcool pur) par jour voit son risque relatif multiplié par 100






D’autres facteurs de risque comme  le bétel  et les nitrosamines carcinogènes  pour le cancer de  la cavité buccale, le virus EBV (Epstein-Barr Virus) pour les carcinomes indifférenciés du naso- pharynx (UCNT), certains papillomavirus pour l’oropharynx ou le larynx (HPV 16 et 18), l’exposition aux hydrocarbures polycycli- ques pour la cavité buccale et le larynx, l’amiante pour le carci- nome du larynx, les poussières de bois pour l’adénocarcinome de l’ethmoïde sont connus. L’immunodépression induite par certains traitements post-greffes  ou acquise comme  pour le sida prédis- pose à la survenue d’un cancer des VADS



Mise au  point



La meilleure prévention  des cancers ORL passe par une réduc- tion effective et durable de la polyconsommation régulière du tabac et de l’alcool. Des actions éducatives régionales précoces sont à la base de toute politique de prévention.
Le particularisme  de  ces  tumeurs  rend  compte  de  l’histoire naturelle de ces cancers qui touchent le plus souvent l’homme de 50 à 70 ans.
En effet,  dans  leur grande  majorité  ce  sont  des  carcinomes épidermoïdes  plus ou moins différenciés (90 % des cas).
Ces tumeurs  siègent  dans  une  région anatomique  complexe, aux nombreuses localisations et sous-localisations, dont la lymphophilie est  importante  (15 à 50 % d’atteinte ganglion- naire selon le site tumoral pour les cous “N0”) [3]. Ces parti- cularités compliquent  à la fois le bilan préthérapeutique et le traitement  (abord chirurgical, procédé de réparation, balistique des radiations ionisantes à hautes  doses, etc.).
En France, la distribution de ces tumeurs  selon la localisation est approximativement  la suivante : cavités nasosinusiennes  et nasopharynx  5 %, lèvres 10 %, cavité buccale 20 %, oropha- rynx 25 %, larynx 25 %, hypopharynx 15 %.
Le diagnostic est fait le plus souvent à un stade tardif chez des patients souvent négligents car l’évolution est essentiellement locorégionale  cervicofaciale, et  c’est à un stade  déjà  avancé que  le  syndrome  de  masse  endocavitaire  et/ou cervical va entraîner  un  retentissement fonctionnel  sur les fonctions de déglutition et de respiration. Une adénopathie cervicale indo- lore d’apparence isolée est souvent longtemps  négligée  par le patient.  Le larynx constitue  une  exception  par  la dysphonie présente  dès  le début  de la maladie  pour les tumeurs  de la corde vocale.
Par ailleurs, on note la grande fréquence des localisations mul- tiples synchrones ou métachrones  (10 à 20 %), le risque évo- lutif important de récidive locorégionale et un taux de métas- tases à distance(poumons,  foie, os, système  nerveux central) de 5 à 15 %.
1635
Les comorbidités associées sont fréquentes  (plus de 50 % des cas lors de la première consultation), notamment cardiorespiratoires, hépatiques,  vasculaires et les carences nutritionnelles multiples. Enfin le caractère algique et mutilant de ces tumeurs malignes qui vont devenir “visibles” aggrave  le handicap et augmente encore les difficultés thérapeutiques, compliquées de plus par un contexte socioprofessionnel souvent difficile




Les objectifs thérapeutiques reposent  d’une part sur la préven- tion primaire avec la diminution des facteurs de risque princi- paux que sont le tabac et l’alcool, la prévention secondaire par le  dépistage   théorique  des  sujets  les  plus  à  risque  (tabac alcool, lésions précancéreuses,  etc.) et d’autre part sur la stra- tégie thérapeutique adaptée de la maladie avérée  (cas le plus fréquent).
Le  bilan  préthérapeutique représente  le  point  de  départ  dans l’histoire de la maladie d’un patient, il va conditionner sa guérison ou son évolution, il se doit d’être précis et exhaustif. Le bilan loco- régional nécessite une pan-endoscopie ORL sous anesthésie géné- rale, associée si possible à une fibroscopie bronchique et œsogas- trique, à la recherche d’une seconde localisation (10 à 20 % des cas) ou d’une fréquente  maladie associée (infection bronchique, œsophagite,  ulcère gastroduodénal,  etc.). Des biopsies sont effec- tuées  à visée histodiagnostique  et un schéma résume  l’examen endoscopique.  Le bilan est complété  par une imagerie médicale orientée,  tête  et  cou (TDM : tomodensitométrie, IRM : imagerie par résonance magnétique, échographie) et à distance (TDM tho- racomédiastinale,  TEP : tomographie  par émission  de  positons). L’état dentaire  est apprécié (panorex, consultation spécialisée).
Le bilan préthérapeutique aboutit à une classification TNM qui est un facteur pronostique majeur et la clef de voûte des indi- cations thérapeutiques.
Par ailleurs, un bilan général  clinique et  biologique selon  le terrain évalue non seulement l’opérabilité mais aussi les suites fonctionnelles prévisibles (EFR : épreuves  fonctionnelles respi- ratoires, bilan cardiologique, vasculaire, etc.). On précise ainsi l’état général et nutritionnel du malade, l’impact des comorbi- dités associées en utilisant des scores pour aboutir à des échel- les de classification pertinentes comme l’index de Karnovski, le Performans  Status de l’OMS ou le score ASA. L’âge chronolo- gique  du  malade  n’est  pas  un  facteur  limitant,  c’est  plutôt l’âge physiologique qui sera apprécié

Stratégie thérapeutique



Traitements chirurgicaux


Les progrès  de  la chirurgie ont  été  réalisés  dans  4 grandes directions : l’exérèse de  la tumeur  primitive, les évidements ganglionnaires  cervicaux, la réparation  de  la perte  de  subs- tance  chirurgicale et  la prise en charge du handicap pour les chirurgies mutilantes  
(laryngectomisés)



En ce qui concerne les voies d’abord chirurgicales, les techni- ques  les  moins  mutilantes   sont  utilisées,  en  favorisant  les voies camouflées comme le respect labial inférieur par la tech- nique du degloving pour les tumeurs  buccopharyngées  posté- rieures (buccopharyngectomies transmandibulaires conserva- trices)   [4]   ou   bien   encore   l’usage   de   voies   combinées endorales et cervicales pour le pharynx, qui préservent  la mandibule. C’est aussi la voie vestibulaire supérieure endobuc- cale pour les cavités nasosinusiennes.
L’exérèse de la tumeur représente la limitation des indications de  chirurgie mutilante  du larynx (laryngectomie  totale,  pha- ryngolaryngectomie  totale)  avec trachéostomie  définitive aux lésions  évoluées  T4 transglottiques   ou  en  rattrapage   post- radique. Les laryngectomies  partielles et reconstructrices sont le  développement des  techniques  de  conservation  fonction- nelle   laryngée ;  elles  s’adressent  aux  lésions  limitées   du pharyngolarynx comme les laryngectomies ou pharyngo- laryngectomies  supraglottiques,  les hémipharyngolaryngecto- mies supraglottiques ou supracricoïdiennes, la cricohyoïdo- épiglottopexie    (CHEP), la   cricohyoïdopexie   (CHP),  ou   la laryngectomie  frontale antérieure  reconstructive [5].
La chirurgie ganglionnaire  cervicale est  bien  systématisée et les aires de drainage  sont sectorisées  [6]. Les techniques  de curages  ganglionnaires  cervicaux ont  évolué,  elles  sont  de plus en  plus conservatrices, comme  le curage dit fonctionnel qui respecte la veine jugulaire interne, le nerf spinal et le mus- cle sternocleidomastoïdien,  mais aussi les branches de division de la carotide externe,  le réseau  veineux jugulaire externe,  et les rameaux  sensitifs profonds du plexus cervical. L’améliora- tion des techniques  d’imagerie autorise la réalisation de cura- ges sélectifs de secteurs  ganglionnaires  précis, et la lympho- scintigraphie et détection du ganglion sentinelle pour certaines localisations tumorales  de la cavité buccale (T1 et T2 N0) est encore  en cours d’évaluation. Le curage dit traditionnel  reste réservé  aux ganglions en  rupture  capsulaire ou à une  masse interstitielle cervicale.
Des progrès majeurs dans la chirurgie réparatrice de la face et du cou ont été réalisés cette dernière décennie [7]. Elle répond à des impératifs ambitieux qui sont une chirurgie la plus carci- nologique possible, la diminution des complications postopé- ratoires et de la morbidité afin de faciliter la réinsertion socio- professionnelle et de rétablir une qualité de vie optimale.
Les techniques de réparation font appel à des procédés classi- ques  comme  les sutures  simples, les greffes cutanées  et  les lambeaux cutanés ou myocutanés locorégionaux pédiculés (muscles grand pectoral, grand dorsal, etc.). L’avènement des lambeaux  pédiculés  puis libres prélevés  à distance  et  micro- anastomosés, simples ou composites, autorise l’augmentation des marges de sécurité d’exérèse par la possibilité de grandes surfaces disponibles et le comblement  de volumes importants (cancers infiltrants). Ces lambeaux  autorisent  le sacrifice et la réparation de structures complexes comme la réparation d’une interruption  mandibulaire  (transplant  osseux  de  fibula [péroné],  parascapulaire, etc.), la reconstruction d’un voile du palais (lambeau  antébrachial  libre) ou d’une  voûte  palatine, des sillons vestibulaires ou pelvilinguaux
Les lambeaux  vont  permettre aussi  le  rétablissement   de  la continuité pharyngo-œsophagienne après pharyngolaryngec- tomie   circulaire  (lambeau    antébrachial   microanastomosé, etc.) ou de fermer un orostome  ou un pharyngostome  chirur- gical et protéger ainsi un axe carotidien en prévenant  fistule et





sepsis cervical particulièrement  en situation post-radique.  Ceci implique une fiabilité optimale  du lambeau  et une morbidité minimale du prélèvement.
En parallèle avec l’objectif carcinologique, la réinsertion socio- professionnelle  grâce à une  restauration  de la qualité  de vie doit  être  prise  en  compte  d’emblée. Il  s’agit de  limiter les séquelles  fonctionnelles  par la préservation  ou le rétablisse- ment des fonctions de mastication, de déglutition, d’élocution et d’ouverture buccale, mais aussi de diminuer la rançon esthétique  à la fois cervicofaciale et au niveau du site de pré- lèvement  du lambeau. C’est donc savoir utiliser des techniques fiables pour conserver la mobilité linguale et  l’indépendance des  structures  anatomiques  (vestibules,  plancher  de  la bou- che), restaurer la continuité mandibulaire ou préserver la fonc- tion vélopharyngée,  ou bien encore restaurer  la sangle labio- mentonnière   ou   préparer    et   faciliter   une   réhabilitation dentaire  ultérieure. Pour cela, il faut disposer d’un large choix de moyens de reconstruction adaptés  à chaque type d’exérèse et d’une fiabilité maximale
Toutes ces techniques vont trouver une place de choix dans la réparation des tissus radionécrotiques ; il s’agit d’une chirurgie délicate  et  difficile, comme  celle de  la prise en  charge  d’un pharyngostome  post-radique  évolué  ou  d’une ostéoradioné- crose mandibulaire
Enfin, la réhabilitation du laryngectomisé permet  actuellement d’obtenir des  résultats  particulièrement  gratifiants grâce à la mise  en  place  d’une  prothèse   phonatoire   dans  le  même temps  que  celui de la laryngectomie,  l’utilisation précoce de filtres de  trachéostome  puis d’une valve  phonatoire  “mains libres” qui  permet  une  vocalisation  quasi  naturelle  grâce  à une rééducation  orthophonique  ciblée



Radiothérapie


La radiothérapie  est  un  traitement   dit  “locorégional”  parce qu’il agit directement  sur la zone du cancer et  sur sa proche périphérie, notamment sur les premiers ganglions. L’irradiation par voie externe (transcutanée) est le type de radiothérapie  le plus utilisé.
Le traitement  par radiothérapie implique un compromis entre la nécessité  d’irradier suffisamment  le tissu cancéreux  pour per- mettre  le contrôle local de la tumeur et la volonté d’irradier au minimum les tissus sains voisins afin de limiter la morbidité. Les progrès technologiques  en imagerie  médicale,  en informatique et en radiothérapie  ont permis, depuis une décennie,  de déve- lopper la radiothérapie conformationnelle, qui se “conforme” au mieux  à  la  géométrie   dans  l’espace  tridimensionnel   de  la tumeur. La radiothérapie conformationnelle en 3 dimensions (RC3D), en conformant les faisceaux d’irradiation au volume tumoral  à traiter,  présente  théoriquement 2 avantages.  D’une part,  pour  une  dose  d’irradiation  similaire à  la  radiothérapie conventionnelle,  elle  diminuerait  la morbidité  des  tissus sains voisins. D’autre  part en  permettant d’augmenter  la dose  dans
les tissus cibles, elle vise à améliorer le contrôle tumoral local, sans accroître la morbidité induite. On parle alors d’optimisation de l’index thérapeutique
(rapport efficacité/toxicité)




Mise au  point


Cela est  d’autant plus important  dans  les cancers des  voies VADS,  où  les  volumes  cibles tumoraux  sont  à  proximité  de nombreux organes sensibles (que l’on souhaite donc protéger) comme la moelle épinière, la peau et les muqueuses,  les piè- ces osseuses  et cartilagineuses, les dents,  les glandes salivai- res (parotides),  mais également les globes oculaires, les nerfs optiques, l’encéphale, etc. Il faut bien se représenter que le ou les   volumes-cibles   considérés   incluent   non   seulement  la tumeur proprement  dite, mais également les territoires d’extension éventuels  et les aires ganglionnaires de drainage. L’étape ultérieure  est  la radiothérapie  conformationnelle  par modulation  d’intensité ou “RCMI”.  Par son principe physique, elle permet  de modifier volontairement  la dose au sein même du champ d’irradiation, en modulant l’intensité en énergie des faisceaux d’irradiation [8]. Le progrès de cette technique, devenue  opérationnelle  en France au cours de l’année 2000, réside essentiellement dans sa capacité à épargner les organes à risque et à couvrir de façon plus efficace (plus homogène  et plus précise) les volumes cibles. C’est notamment le cas où les volumes  cibles  sont  de  forme  concave  autour  d’organes  à risque  (tumeur  de  la  paroi  pharyngée  postérieure  enroulée autour de la colonne vertébrale  par exemple)  et plus particu- lièrement   en  cas  de  nécessité   d’irradier  de  nouveau   une tumeur  [9]. Cette technique  permet  également l’escalade de dose  avec  un  meilleur  index  thérapeutique,  avec  comme espoir un meilleur contrôle de la maladie et une amélioration notable de la qualité de vie. En effet, la protection des glandes salivaires peut  apporter  un confort non  négligeable  pour les patients,  en diminuant voire en évitant l’hyposialie ou encore “xérostomie”,  séquelle  parfois majeure  bien connue des trai- tements  par irradiation sur la sphère ORL
L’index thérapeutique de la radiothérapie peut également être augmenté par différents moyens comme les modifications du fractionnement,  l’utilisation de radiosensibilisants ou de radio- protecteurs ou l’association avec de la chimiothérapie. Les pro- grès obtenus  (ou attendus)  grâce à ces possibilités incitent à s’interroger sur la place actuelle  de  la radiothérapie  conven- tionnelle dans les cancers des VADS [10]
Le fractionnement  peut  concerner la dose totale  ou le temps total. À partir des modifications de ces paramètres, trois sché- mas sont possibles : hyperfractionné (augmentation de la dose totale à temps  constant),  accéléré (diminution du temps  total sans modification de la dose totale)  voire très accéléré 
(dimi- nution du temps  total et de la dose totale)



Au cours de la radiothérapie hyperfractionnée, la diminution de la dose/fraction permet  d’épargner les tissus sains à renouvelle- ment tardif concernés par les effets tardifs du traitement  (fibrose, nécrose).  La  dose  peut  être  augmentée jusqu’à  80  Gy.  Cette radiothérapie   modifiée  s’avère   supérieure   à  la  radiothérapie



conventionnelle  en termes  de contrôle tumoral local. En revan- che, elle a peu d’impact sur la survie. Cependant la toxicité tar- dive, qui reste un facteur limitant de l’irradiation, n’est pas influencée par l’augmentation de la dose totale.
La radiothérapie accélérée se justifie par le fait que les cancers épidermoïdes  de la tête  et du cou sont des tumeurs à prolifé- ration extrêmement rapide: leur temps de doublement  poten- tiel est de moins de 3 jours. Par ailleurs, par rapport à la radio- thérapie  conventionnelle,  l’allongement  de la radiothérapie  a un effet néfaste  lié à la probabilité de perte de contrôle tumo- ral, qui est variable, mais constante.  D’où l’idée d’accélérer le traitement  pour obtenir de meilleurs résultats. Une hypothèse qui  semble   confirmée  en  termes   de  contrôle  local  de  la tumeur,  mais, là encore, sans effet significatif sur la survie. Enfin, la curiethérapie  consiste  à délivrer des  rayons au plus près de la tumeur  par l’intermédiaire  de sources radioactives telles que le césium-137, l’iridium-192 ou l’iode-125.
Ces sources sont appliquées  dans l’organisme au contact des cellules cancéreuses,  soit directement,  soit scellées  dans  des “vecteurs”. Cette méthode  permet  d’irradier la tumeur en pro- tégeant  au maximum les organes voisins et dans certains cas d’éviter les traitements  chirurgicaux. La curiethérapie s’adresse au traitement  de tumeurs de petit volume, aux contours précis et facilement accessibles
(voile du palais, luette,  etc.)


Les effets secondaires observés durant l’irradiation sont essen- tiellement   la  radio-épithélite   et  la  radiomucite  qui peuvent nécessiter la mise en place d’une alimentation  entérale  conti- nue  par sonde.  Ils sont  habituellement réversibles  mais leur intensité  peut parfois imposer l’arrêt du traitement  qui est un facteur pronostique péjoratif pour le contrôle de la maladie et la survie. Les complications chroniques surviennent  à partir de la sixième  semaine  après  la fin du traitement  ; les plus fré- quentes  sont la xérostomie et l’induration tégumentaire cervi- cale. Les complications dentaires doivent être prévenues  par la remise  en  état  avant  traitement  et  par des  soins quotidiens (bains de bouche, gouttières fluorées) à vie. La toxicité tardive comme la constriction permanente des maxillaires, la sténose pharyngée, la nécrose laryngée et la myélite post-radique plus rares sont toujours à redouter.  La toxicité actinique peut  être majorée  par une chimiothérapie  concomitante
 (voile du palais, luette,  etc.)



Chimiothérapie


La chimiothérapie  a été  proposée  pour tenter  d’améliorer  le contrôle  local et  la survie selon  plusieurs modalités  [4, 11] : en induction, adjuvante  ou concomitante  à la radiothérapie. Jusqu’à  présent,   aucun  des  médicaments   utilisés,  seuls  ou combinés,  en  induction ou dans  un but  adjuvant  n’a  jamais démontré  un bénéfice significatif sur la survie quels que soient le stade et la localisation tumorale  
[12]



Cependant, la chimiothérapie  d’induction a montré  un intérêt dans la préservation  laryngée,  des cancers avancés  du larynx et de l’hypopharynx, avec une bonne corrélation entre  la chi-
miosensibilité et la radiosensibilité, en permettant des taux de larynx préservés  non opérés  de l’ordre de 40 à 60 % à survie inchangée  [12-15].  Les modalités  actuelles  reposent  soit sur l’administration classique de cisplatine à 100 mg/m2 à J1 et de
5-FU à 1 000 mg/m2 de J1 à J5, selon 3 cycles débutant  à J1,
J22, J43 (protocole PF), soit sur une combinaison de taxotère  à
75 mg/m2  à J1, de cisplatine à 75 mg/m2  à J1  et de 5-FU à
750 mg/m2 de J1 à J5, selon 3 ou 4 cycles débutant  à J1, J22, J43 (protocole TPF, essais EORTC  24971/TAX 323). L’apport du taxotère  a permis la diminution des doses de cisplatine et de
5-FU favorisant  ainsi  la  tolérance  et  l’observance  au  traite- ment. Le protocole TPF suivi de radiothérapie  est significative- ment  supérieur au protocole PF suivi de radiothérapie  en ter- mes  de  taux  de  réponse,  de  survie  sans  progression  de  la maladie et de survie globale (essai GORTEC 2000-01). L’effica- cité du protocole TPF en induction a été confirmée avant radio- chimiothérapie  (avec carboplatine)  en  termes  de  survie sans progression  (essai  TAX   324).  La chimiothérapie   d’induction puis  concomitante   à  la  radiothérapie   améliore  le  taux  de réponse   au  prix  d’une  toxicité  muqueuse   plus  élevée   de l’ordre de 20 % [16]. Le protocole TPF s’impose actuellement comme le nouveau standard quand une chimiothérapie d’induction est indiquée.
L’association concomitante de la chimiothérapie cytotoxique et de la radiothérapie  permet  d’améliorer le contrôle local et de réduire le risque de dissémination  métastatique des tumeurs avancées  (stades  III et IV). Elle est également une alternative possible comme traitement  exclusif des tumeurs du pharyngo- larynx qui relèvent  d’une laryngectomie  totale [17].
La radiochiomiothérapie  a été évaluée avec une monothérapie (5-FU, hydroxyurée,  mitomycine,  sels  de  platine)  ou  en polychimiothérapie.
Actuellement elle peut être considérée  comme un traitement standard  des  tumeurs  de  stades  III  et  IV  non  résécables,  en sachant  que  la mucite  en  est  le principal facteur de  toxicité limitant  [18]. La toxicité tardive  est  plus fréquente  pour les tumeurs  du larynx et  de  l’hypopharynx,  et  son bénéfice  n’a pas été réellement  démontré  chez les patients âgés de plus de
70 ans.
Deux essais randomisés comparant la radiothérapie et la radio- chimiothérapie postopératoire (avec 3 cures de cisplatine) chez des  patients  atteints  d’un  cancer  des  VADS  avec  au  moins
2 facteurs  de  risques  péjoratifs  (marges  d’exérèse tumorale, adénopathie en rupture capsulaire) ont démontré  une amélio- ration de la survie en  faveur de la radiochimiothérapie  post- opératoire  (EORTC 22981, RTOG 9501) [14, 19].
Des protocoles  de  réirradiation  avec  chimiothérapie  concomi- tante  pour les récidives locorégionales  ont  été  proposés  sans progrès décisifs en  termes  de survie et  au prix d’une toxicité élevée.  Le traitement  des récidives locorégionales par réirradia- tion avec chimiothérapie  concomitante  
 (5-FU  et  hydroxyurée)



après  chirurgie de rattrapage  [20] n’a  montré  qu’un  avantage en ce qui concerne la survie sans progression de la maladie et aucune amélioration de la survie globale


Thérapies  ciblées


Les avancées  récentes  dans la compréhension  des mécanismes moléculaires de l’oncogenèse et particulièrement  dans les voies de la signalisation cellulaire ont permis de développer  des dro- gues plus spécifiques qui ciblent sélectivement  les cellules cancé- reuses. Dans le cas des cancers ORL, le récepteur membranaire  à l’EGF (Epidermal Growth Factor) est souvent  surexprimé par les cellules tumorales [21, 22]. Cette surexpression majore le niveau de prolifération tumorale, le risque de récidive métastatique et le risque de radiorésistance.  C’est un facteur pronostique indépen- dant reconnu (mais peu utilisé) ainsi qu’une cible thérapeutique de choix, soit par l’utilisation d’un anticorps monoclonal (cétuxi- mab), soit par l’application d’un inhibiteur spécifique de l’activité tyrosine-kinase intracellulaire du REGF ou récepteur de l’EGF (erlo- tinib, géfitinib).  Des résultats  cliniques récents  ont  montré  un effet  chimio  et  radiosensibilisant  de  drogues  ciblant  le  REGF [23]. Une étude récente multicentrique a démontré  la supériorité, en  termes  de  contrôle local et  de  survie, de  l’association  d’un anti-REGF (cétuximab)  radiothérapie,  versus radiothérapie  seule, concernant des tumeurs  avancées  (stades  II et IV) non métasta- tiques, sans augmentation de la toxicité [24]. La critique princi- pale de cet essai étant un bras de référence non optimal puisque ne comportant que de la radiothérapie sans chimiothérapie. L’apport des thérapies ciblées combinées à la chimiothérapie pour le traitement  des cancers en récidive locorégionale ou en phase métastatique et  progressant  sous chimiothérapie  est  encore  en évaluation. Deux études récentes de phase II ont montré la faisa- bilité en termes  de tolérance (anémie,  réaction acnéiforme, trou- bles digestifs), sans augmentation de la survie
[25-27]



Traitements associés



Dès l’annonce du diagnostic le patient  est inscrit dans un par- cours de soins balisé. Les soins de support multidisciplinaires sont coordonnés.  Ils contribuent  à la prise en  charge globale du malade  tout au long de sa maladie. Ils concernent  la dou- leur, l’asthénie, les problèmes  nutritionnels, digestifs et odon- tologiques,  les troubles  respiratoires,  le handicap  phonatoire (laryngectomisés),  la réadaptation  sociale et  l’aide psycholo- gique (souffrance psychique et dénaturation  de l’image corpo- relle). L’aide au  sevrage  de  l’alcool et  du tabac  est  réalisée autant   que   possible.   Cette  prise  en   charge   continue   va jusqu’au  stade  ultime  de  l’accompagnement  en  fin de  vie dans les situations palliatives sans possibilité curative



Indications


Le traitement  des cancers ORL nécessite  un bilan préthérapeu- tique  très  précis de  l’extension  tumorale  locorégionale  ainsi
que  du terrain et  de  la comorbidité associée.  Il  doit prendre en  considération  à la fois le site tumoral primitif et  les aires ganglionnaires cervicales (métastases) de principe ou de nécessité  
[3, 10]



Mise au  point




Plusieurs techniques  peuvent  être  utilisées, seules  ou combi- nées.  Si la chirurgie et la radiothérapie  peuvent  à elles seules être  curatrices, la chimiothérapie  ne  peut  se concevoir qu’en association néoadjuvante  ou synchrone de la radiothérapie unique ou postopératoire.  Ces méthodes thérapeutiques multi- ples, dans leur choix comme dans leurs modalités,  la comple- xité même  de  ces tumeurs  sur le plan  anatomofonctionnel, l’évolution  locorégionale  naturellement  monstrueuse,   impo- sent  tout  naturellement la nécessité  d’une réflexion et  d’un choix multidisciplinaire, le respect  des  référentiels  classiques (standards,  options et recommandations, niveaux de preuves, etc.), l’établissement  de thésaurus  par unité de concertation, la définition de critères de choix et d’arbres décisionnels adap- tés par les équipes traitantes : traitement  exclusif par chirurgie ou radiothérapie, choix des traitements  combinés (chirurgie ou radiothérapie  première),  indications des traitements de rattra- page  dans les cas encore fréquents  de récidive locorégionale. La concertation  multidisciplinaire permet  en  outre  l’inclusion de certains malades  dans les essais thérapeutiques en cours. Elle permet  aussi une  prise en charge optimale  des soins de support (algologie, renutrition par sonde nasogastrique ou gas- trostomie, soutien psychologique, etc.)
Il existe des facteurs déterminants dans le choix thérapeutique que   sont :  la  localisation  et   la  sous-localisation  tumorale, l’aspect macroscopique lésionnel  (bourgeonnant  ou infiltrant, inflammatoire, bien limité ou non), la taille tumorale, le statut ganglionnaire et la présence  de métastases à distance(stade TNM), le contexte  carcinologique historique (récidive, seconde localisation, post-radique, etc.), l’âge physiologique et la comorbidité
Les tendances  thérapeutiques actuelles,  dans  le  respect  des principes de la carcinologie, sont au développement des stra- tégies conservatrices, chirurgicales ou non chirurgicales [17]. Dans les centres  spécialisés, la recherche  clinique a pour but de  favoriser les progrès thérapeutiques à partir des  résultats des études  cliniques et de définir des nouveaux protocoles


Selon les stades


Pour les tumeurs débutantes T1-T2 N0, selon la localisation, le traitement  de choix est la chirurgie fonctionnelle ou la radio- thérapie  exclusive  (curiethérapie,   conventionnelle  ou  IMRT : radiothérapie  par  modulation  d’intensité).  La chirurgie peut être transorale, endoscopique (laser CO2) ou par voie cervicale (pharyngectomies  et laryngectomies partielles) ; pour la majo- rité des cas, un curage ganglionnaire sélectif ou radical modi- fié, uni ou bilatéral est réalisé de principe. Il n’y a pas de place pour la chimiothérapie






Pour les tumeurs  évoluées  T3-T4 N > 0, plusieurs options sont possibles, le choix doit être adapté  à chaque cas particulier.
La chirurgie,  fonctionnelle  ou  radicale  et  réparatrice  sur  la tumeur et les ganglions, sera toujours suivie d’une radiothéra- pie postopératoire  conventionnelle ou associée à la chimiothé- rapie si des facteurs de mauvais pronostic sont présents.
La radiothérapie  exclusive, sur le mode  conventionnel,  bifrac- tionnée,  ou accélérée  avec concomitant boost, peut  être  asso- ciée à la chimiothérapie  ou à une  thérapie  moléculaire ciblée (cétuximab 400 mg/m2 une semaine avant le début de la radiothérapie   puis  250   mg/m2   hebdomadaire    pendant   la durée de la radiothérapie) [27]. La chimiothérapie concomitante fait appel au cisplatine, au 5-FU, au carboplatine et à la mitomy- cine C, selon des schémas de mono ou polychimiothérapies
La préservation  laryngée  fait appel soit à une chimiothérapie d’induction selon le protocole PF ou TPF suivi de radiothérapie conventionnelle  en  cas de réponse > 50 % ou de laryngecto- mie  totale,  curage  bilatéral et  radiothérapie  complémentaire en  cas  de  réponse < 50 % ;  soit  à  une  radiochimiothérapie avec du cisplatine à 100 mg/m2 à J1, J22 et J43 puis une sur- veillance simple en cas de réponse complète ou une laryngec- tomie  totale  et  un  curage  ganglionnaire  en  cas de  réponse
incomplète
[4, 10, 17]


Selon la localisation



Les carcinomes de  la cavité buccale sont  de  façon classique traités  et  contrôlés par la chirurgie dans  60 à 90 % des  cas, la radiothérapie postopératoire étant réservée aux formes infil- trantes  évoluées  ou aux cas d’atteinte ganglionnaire multiple. Les tumeurs  de l’oropharynx sont traitées  en première  inten- tion soit par radiothérapie,  soit par chirurgie suivie de radio- thérapie  pour les formes plus infiltrantes (en particulier le sil- lon amygdaloglosse).
Pour les carcinomes du larynx : les tumeurs  limitées peuvent être traitées par la chirurgie fonctionnelle exclusive, mis à part le cas particulier de la corde vocale où la radiothérapie  exclu- sive en champs étroits reste une excellente indication. Pour les tumeurs plus évoluées la laryngectomie totale garde une indi- cation  pour  les  lésions  transfixiantes  cartilagineuses  ou  les extensions  sous-glottiques  avancées ; dans les autres cas, des protocoles de conservation laryngée doivent être proposés. Pour  les  carcinomes  de  l’hypopharynx,  les  lésions  limitées peuvent  être traitées  par chirurgie partielle suivie de radiothé- rapie, les formes évoluées relevant de protocoles de préserva- tion laryngée,  la chirurgie mutilante  (pharyngolaryngectomie totale, pharyngolaryngectomie  circulaire) étant plutôt réservée pour le rattrapage  des échecs médicaux [4].
Les carcinomes des cavités nasosinusiennes  sont traités préfé- rentiellement par l’association chirurgie suivie de  radiothéra- pie externe




Le carcinome peu différencié du cavum est traité par radiothé- rapie  exclusive selon  le mode  conformationnel  ou au mieux
par RCMI (radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité)  pour  les  formes  limitées  (T1 et  T2 N0), tandis que pour les formes plus évoluées, l’association d’une chimio- thérapie  avec la radiothérapie  est la règle
[28]



Résultats

La localisation, la taille de la tumeur primitive et les métastases ganglionnaires cervicales sont les principaux facteurs qui déter- minent la survie des carcinomes épidermoïdes  des VADS. L’analyse des taux de survie est rendue  difficile par la grande hétérogénéité de ces tumeurs, par l’importance de la lympho- philie et son retentissement dans la survie, par la complexité des  traitements  mis en  œuvre  et  la difficulté de  mener  des essais  randomisés  prolongés  dans  le  temps.  Tous  stades  et localisations confondus la survie reste en moyenne  entre 30 et
40 % à 5 ans
[11]


Selon le stade




En ce  qui  concerne   les  tumeurs   débutantes  T1-T2  N0,  le contrôle local est  de l’ordre de 90 % et  la survie à 5 ans de l’ordre  de  80 %.  Le  risque  essentiel   est   l’apparition  d’un second cancer dans les 2 ans.
Pour les tumeurs  avancées  T3-T4 N > 0, le contrôle locorégio- nal de la maladie est de 40 à 80 % selon la  localisation et la survie à 5 ans de 20 à 50 %. Le risque de récidive locale est de 40
%  à 60

celui de métastases à distance de 15 à 30 % ; celui de second cancer de 10 à 15 
%


Selon la localisation

Pour la cavité buccale, la survie globale moyenne  à 5 ans est de  l’ordre de  50 % tous  stades,  sous-localisations  (plancher, langue, palais, face interne de joue, etc.) et traitements confondus
Pour l’oropharynx, la survie à 5 ans varie de 10 à 60 % selon le stade et la sous-localisation
(amygdale, vallécules, base de langue, paroi pharyngée  postérieure)
Pour le larynx le taux de  survie globale  à 5 ans tous stades confondus est de l’ordre de 60 % (80 à 95 % pour les petites tumeurs  de la corde vocale, mais aux alentours de 50 % pour les tumeurs plus avancées)
Pour l’hypopharynx (tous stades  et  sous-localisations confon- dus), les résultats globaux en termes  de survie restent  médio- cres, de l’ordre de 15 à 25 % à 5 ans
La survie à  5 ans  des  carcinomes  épidermoïdes  des  cavités nasosinusiennes  est  de 50 à 70 % pour les tumeurs  limitées (T1 T2), et de 25 à 30 % pour les formes évoluées  (T3 T4). L’association  radiochimiothérapie  concomitante  a montré  des taux  de  survie de  plus de  70 % pour des  formes  avancées des carcinomes nasopharyngés  (stades  III et IV) [28]
Les cancers de la tête  et du cou présentent un risque impor- tant de récidive locorégionale lors des 2 premières  années  qui



suivent  le  traitement   initial. Le traitement   de  ces  récidives reste  difficile et  souvent  décevant,  particulièrement  quand  la récidive survient après un traitement  chirurgical suivi de radio- thérapie  postopératoire.  La question d’une chirurgie de rattra- page  après  radiochimiothérapie  devient  une  éventualité   de plus en  plus fréquente,  mais le pourcentage  de  patients  qui peuvent  en  bénéficier  n’excède pas  50 %, excepté  pour les récidives  laryngées.   Les résultats   en  termes   de  survie  se situent  alors autour  de  15 à 25 % à  5 ans.  Par ailleurs, les résultats  fonctionnels après  chirurgie de rattrapage  sont sou- vent médiocres
[29]
Le risque de métastase à distance est de l’ordre de 15 % par an,  plus particulièrement  encore  pour certaines  localisations comme l’oropharynx ou l’hypopharynx



Conclusion


Concernant les  tumeurs  limitées,  la chirurgie fait appel  aux techniques  de conservation fonctionnelle, tandis que pour les tumeurs  avancées,  les pertes  de  substance  sont  traitées  par des techniques  de reconstruction complexes, notamment  par les lambeaux libres.
La radiothérapie conformationnelle apporte un progrès indiscu- table dans la prise en charge de ces tumeurs  tant sur le plan de l’efficacité que des effets adverses. Pour les tumeurs avan- cées,  la radiochimiothérapie  concomitante  et la radiothérapie hyperfractionnée (escalade de doses) ont montré une aug- mentation  modérée  mais  significative des  taux de  survie et de  contrôle  locorégional.  La radiochimiothérapie  postopéra- toire est indiquée  dans les formes de mauvais pronostic chez les sujets âgés de moins de 70 ans. L’association du cisplatine, du 5-FU et du taxotère  est le nouveau  standard  de la chimio- thérapie  d’induction  pour  la  préservation  laryngée  dans  les
tumeurs avancées  
(T3-T4)
L’association d’une thérapie moléculaire ciblée à la radiothéra- pie a montré sa supériorité(par rapport à la radiothérapie exclusive) dans la survie pour les tumeurs avancées



Mise au  point



Le traitement des récidives locales dépend  des possibilités de rattrapage  chirurgical et/ou de la réirradiation dont les indica- tions restent  souvent limitées.
L’efficacité de  certaines  molécules  en  phase  2 métastatique n’a jamais été confirmée dans les phases 3 où le bras de réfé- rence comprenait des sels de platine.
La classification TNM  reste  le meilleur indicateur pronostique de la survie.
Si  les  progrès  thérapeutiques  ont  indiscutablement   apporté une  amélioration  en  termes  de  morbidité  et  de  qualité  de vie, et si les petites  tumeurs  gardent  un pronostic acceptable, avec un contrôle  local dans  80 % des  cas, dans  les tumeurs avancées  le  contrôle  local est  obtenu  dans  seulement 30 à
60 % des cas et la survie à 5 ans est de 15 à 40 %. Concernant les thérapeutiques classiques de ces tumeurs  ORL, les progrès potentiels  que l’on  peut  attendre,  notamment en balistique  de  radiothérapie,  en  chirurgie réparatrice  avec  les lambeaux  libres, avec de  nouvelles  drogues  cytotoxiques en chimiothérapie,  amélioreront  très  certainement  le  pronostic de ces tumeurs.  C’est l’association de ces thérapies  standards qui permettra  un meilleur contrôle tumoral. Le développement des  essais  cliniques coopératifs  est  un  impératif  pour tester objectivement  ces nouvelles stratégies
C’est  certainement  en  biologie  moléculaire  que  les  progrès sont à attendre  en améliorant  la connaissance  de la signalé- tique des cellules tumorales, pour mettre  en évidence de nou- velles cibles thérapeutiques


Conflits d’intérêts  : aucun




Références


1 Auperin A, Hill C. Épidémiologie des carcino- mes  des  voies aérodigestives  supérieures. Cancer Radiother. 2005; 9: 1-7



2 Zhang   ZF,    Morgenstern   H,     Spitz   MR, Tashkin DP, Yu GP, Marshall  JR et al. Marijuana use and increased risk of squamous cell car- cinoma of the head and neck. Cancer Epide- miol Biomarkers Prev. 1999; 8: 1071-8




3 Shah JP.  Cervical lymph node  metastase  – diagnostic, therapeutic and prognosis impli- cations. Oncology. 1990; 4: 61-9



4 Pivot X, Schneider M, Demard F, editors. Car- cinomes épidermoïdes des voies aérodiges- tives supérieures : nouvelles stratégies diag- nostiques et thérapeutiques. Paris: Springler- Verlag; 2003




5                                                                       Poissonnet G, Dassonville  O, Pivot X, Demard F
Cancers du larynx et de l’hypopharynx:  anato- mie, anatomopathologie, signes cliniques, TNM
thérapeutique.   Bull   Cancer.  2000
(Suppl  5)
27-38




6 Robbins KT, Clayman  G, Levine  PA, Medina J, Sessions R,  Shaha A  et  al, American Head and Neck Society. American Academy of Oto- laryngology Head and  Neck Surgery. Neck dissection classification update:  revisions proposed by the  American Head and Neck Society and the American Academy of Otola- ryngology-Head and Neck Surgery. Arch Oto- laryngol Head Neck Surg. 2002; 128: 751-8



7 Kolb F, Julieron M. Chirurgie réparatrice en can- cérologie ORL: principales méthodes et indica- tions. Cancer Radiother. 2005; 9: 16-30




8 Lapeyre M, Marchesi V,  Mege  A,  Aletti P, Graff P, Racadot  S et al. Radiothérapie confor- mationelle avec modulation d’intensité des cancers des voies aérodigestives supérieures avec irradiation bilatérale du cou :  résultats
préliminaires.  Cancer  Radiother.  2004;  8
134-47




9 Maingon P, Mammar V,  Peignaux K,  Truc  G, Barillot I.   Les  contraintes  aux  organes  à risque en radiothérapie par modulation d’in- tensité  des  cancers ORL.  Cancer Radiother
2004; 8: 234-47




10     Wendt  TG,   Grabenbauer  GG,   Rödel  CM, Thiel HJ,  Aydin  H,  Rohloff  R et  al. Simulta- neous radiochemotherapy versus radiothe- rapy alone in advanced head and neck can- cer: a  randomized multicenter study. J   Clin Oncol. 1998; 16: 1318-24



11     Vokes  EE,  Weichselbaum RR,  Lippman SM, Hong WK.  Head and  neck  cancer.  N Engl J Med. 1993; 328: 184-94




12     Pignon JP,  Baujat J,  Bourhis J.   Apport des méta-analyses  sur données  individuelles au


read more "Cancers ORL : les grands principes thérapeutiques"
 
adarknees. يتم التشغيل بواسطة Blogger.